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http://urfistinfo.blogs.com/urfist_info/2008/10/e-learning-et-c.html

L'avenir du cours magistral est-il dans le e-learning?[]

A l'occasion de la présentation de la plateforme pédagogique Jalon[1], je découvre Med@tice[2], l'expérience de réforme pédagogique de la 1ère année de Médecine à Grenoble, mis en oeuvre en septembre 2006. En gros: les cours magistraux sont remplacés par des cours multimédia regroupés sur des DVD-roms, les séances en présence des enseignants sont réservées aux questions /réponses consécutives à l'étude réalisée par les étudiants des cours multimédia. En gros parce que la séquence d'apprentissage est un peu plus complexe et sophistiquée, articulée en 4 semaines et 4 types d'activités pédagogiques, on en trouve la description précise dans un tutoriel[3] disponible sur le site de Med@tice (voir diapo extraite du tutoriel ci-dessous) - mais c'est l'articulation magistral / interactivité, présentiel / multimedia qui me semble particulièrement remarquable.

Medatice1i

Modules

On trouve sur Canal-U plusieurs exposés de Daniel Pagonis[4] faisant un bilan de cette restructuration pédagogique. Un des élément les plus remarquables est l'effet "lissant" de la nouvelle stratégie quant aux inégalités socio-culturelles des étudiants. Ainsi le ratio CSP Parents: Cadres vs. Agriculteurs/Artisans/Ouvriers passe de 2,3 pour les années 2001-2006, à 1,1 pour l'année 2007, le ratio Bac série S Maths vs. autres Bacs passe de 6,4 à 1,9, à l'inverse le ration Bourse vs. pas de Bourse passe de 0,8 à 1,1. (Les diapositives ci-dessous proviennent de la présentation de Daniel Pagonis et Jean-Paul Romanet au CDME SIFEM 2008[5]).

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Impact 1

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Impact 2

Si l'on tente une explication de cet effet impressionnant, on se dit que le cours magistral classique, reposant sur un flux d'éloquence dans un français élaboré, va particulièrement avantager les étudiants en possession d'un fort capital culturel. La stricte linéarité de l'exposé expose l'étudiant dont les compétences linguistiques sont imparfaites ou lacunaires au risque de perdre le fil. De disposer de l'exposé sous forme enregistrée permet à l'étudiant de le traiter selon sa propre temporalité, de revenir sur les passages difficiles, en particulier en raison du niveau de langue. De façon complémentaire, la séance de questions / réponses en présence de l'enseignant lui permet de vérifier sa compréhension pour éventuellement revenir sur le cours enregistré.

En quelque sorte le contenu d'un cours magistral est analysé, dissocié entre d'une part un contenu qui est traité de façon documentaire, qui devient un objet manipulable par l'apprenant et d'autre part le "présentiel" qui va être réservée à l'interaction, interaction limitée dans le cadre du cours magistral classique au feed-back de la "salle" vers l'orateur.

L'avenir du e-learning est-il dans le cours magistral?[]

Paralèlement, dans le Chronicle of Higher Education[6] du mois dernier, le professeur Tomas H. Benton s'interroge sur les manières d'enseigner aux digital natives et en particulier sur la pertinence du cours magistral:

le tabou qui frappe les cours magistraux réduit parfois la liberté des enseignants d’expérimenter à partir d’une méthode traditionnelle d’une manière qui peut répondre aux compétences particulières des “natifs du numérique” - telles que l’interconnectivité et l’intuition - tout en les entraînant à l’usage de la preuve et de l’argumentation rationnelle.

On croirait lire là une introduction à l'expérimentation grenobloise (alors même que la méthode du professeur Benton est très différente - voir Benton/Stupidité, cours magistral et “digital natives” - mais partage avec celle de Med@tice le souci de casser la linéarité du cours magistral pour le rendre appréhensible par les nouvelles économies de l'attention).

Les leçons qu'on peut tirer de l'expérience grenobloise et de ce qui apparaît comme son succès sont multiples, en particulier elle montre que développer une offre pédagogique numérique ne peut se limiter à transformer les enseignements en une sorte de supermarché numérique où l'étudiant viendrait "librement" faire ses courses et qu'elle n'est pas un moyen pour dispenser les enseignants d'enseigner (ou pour les pouvoirs publics d'économiser les heures d'enseignement).

Une leçon plus paradoxale serait à tirer de cette constatation que le cours magistral se prête mieux à l'analyse/dissociation du dispositif Med@tice entre un contenu documentarisé et un présentiel réservé à l'interactivité que des formes d'enseignement plus interactives comme le travail en groupe. A se demander si l'avenir du e-learning n'est pas dans le cours magistral ;-)


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