Cercamon
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(Réflexions consécutives à la lecture d’un billet sur Voces Paginarum: “Parole et écriture“.)

Si je suis entré, à la demande de Christian Jacomino, dans le CA de son association, ça a d’abord été par amitié mais si je n’avais profondément adhéré à l’activité de l’association et à sa méthode, je ne serai pas resté. Pourtant lorsque je lis les explications que donne Christian de sa méthodologie, l’explicitation de ses présupposés théoriques, je me trouve assez en désaccord. Et pourtant il n’en résulte aucune réserve à l’égard de l’activité elle-même. Si j’essaie de m’expliquer cette contradiction, je trouve que je comprends la pratique de Voix Haute de façon très différente de ce que le fait, au moins explicitement, son inventeur.

Christian place souvent son entreprise sous l’étendard de l’oralité contre l’hégémonie supposée de l’écriture. Pourtant, si l’on compare les principes de VH à certaines pratiques pédagogiques qui, semble-t-il, se sont répandues dans le secondaire - je pense à celles qu’on voit illustrées dans le film “Entre les murs” - c’est bien plutôt du côté de l’écriture, du texte qu’on trouvera VH. Bien ou mal, la stratégie pédagogique du professeur incarné par Begaudeau se donne comme objectif prioritaire l’amélioration de l’expression linguistique. Si ça passe par les outils scripturaux classiques de l’école (phrases écrites au tableau, devoirs écrits, questions d’orthographe…), ces outils ont une place bien moindre qu’ils n’avaient lorsque nous, cinquantenaires, étions au lycée et qu’ils sont pris sur un fond de conversation (ou plutôt de flux d’expressions personnelles dont tous le souci du professeur est de les maintenir ou de les intégrer en conversation) qui fait la matière même de la séance de classe, au moins dans le film.

Je mettrais bien plutôt VH sous l’étendard de la lecture contre l’hégémonie de l’écriture (entendue ici dans un sens plus restrictif, en opposition à la lecture). Et si l’on y réfléchit, on se rend compte que le parti-pris de la lecture, la résolution de lui donner le premier rôle devant l’écriture, met le projet plutôt du côté de la lettre que de celui de la voix. Et de fait la séquence d’une séance VH va de la lettre à la voix et met la lettre en situation de souveraineté sur les voix des participants.

De prendre VH pour une méthode complémentaire d’apprentissage de la lettre pousse de fait, par rapport aux méthodes de l’école, à y voir une promotion de l’oralité (contre la littératie) mais c’est ne pas voir que la lettre est première dans une séance VH, organisée autour de l’appropriation d’un texte qui est donné au départ. De fait les bénéfices que retirent ses participants d’une séance VH sont d’abord au niveau de la maîtrise de la langue. Et s’il y a bien des bénéfices quant à la maîtrise de la lettre, c’est par le détour de cette maîtrise accrue de la langue, détour par une oralité qui n’est pas une oralité “vernaculaire“, antérieure à la lettre, mais une oralité “lettrée” au sens où elle a été informée par la rumination du texte qui est donné (et déjà travaillé) par la présentation qui fait le support de la séance.

Ainsi donc, pour moi l’intérêt de la méthodologie VH n’est pas dans une supposée revanche de l’oralité sur l’impérialisme de la lettre mais par une réhabilitation de la lecture face à l’écriture (au sens restreint). Et c’est là que ce qui se joue autour de VH m’intéresse directement, c’est-à-dire communique avec les questions qui m’occupent sur les bords de mon activité professionnel et que j’agite dans mon blogue perso-professionnel (voir récemment, par exemple Fracture générationnelle et fracture culturelle).

http://cercamon.wordpress.com/2008/10/29/sur-la-methodologie-voix-haute/

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